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En Libye, la ville de Derna dévastée par une tempête, « des quartiers » entiers ont disparu

La tempête Daniel a généré des pluies torrentielles et des vents violents entre Benghazi et Tobrouk.

Par  (Tunis, correspondance)

Publié le 11 septembre 2023 à 17h28, modifié le 12 septembre 2023 à 14h00

Temps de Lecture 4 min.

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Dans l’est de la Libye, la tempête Daniel a laissé, entre samedi 9 et lundi 11 septembre, des dégâts humains et matériels dont on peine encore à prendre la mesure. A Derna, les images de la catastrophe sont terrifiantes. Les pluies torrentielles accumulées dans la région montagneuse du djébel Akhdar, qui surplombe la cité côtière, se sont écoulées le long du massif rompant deux barrages, submergés par les volumes de retenue trop importants. Elles ont tout ravagé sur leur passage.

La crue a emporté une partie des habitants de Derna, des arbres, des maisons, des immeubles, des rues, des places et tout ce qui constituait un pan de cette ville de 100 000 habitants. Elle a laissé une large cicatrice béante en plein milieu de la cité. Dans un entretien téléphonique, lundi, avec le média libyen Al-Marsad, Oussama Hammad, le premier ministre de l’Est libyen, dont l’autorité n’est pas reconnue par la communauté internationale, a expliqué que dans cette ville « sinistrée », « des quartiers entiers ont disparu ». D’après lui, le bilan humain de cette calamité s’élève à plus de « 2 000 morts » et des « milliers de disparus ».

Son ministre de l’intérieur, Essam Abu Zeriba, s’est montré encore plus alarmiste, en affirmant le même jour sur la chaîne satellitaire Al-Arabiya que « plus de 5 000 personnes seraient portées disparues à Derna » et que de nombreuses victimes auraient été emportées vers la mer Méditerranée. Toutes ces estimations, non confirmées par des sources médicales ou des services de secours, sont provisoires. Celles-ci ne prenant pas en compte les éventuels morts et disparus dans les autres villes touchées par le déluge comme Al-Marj, El-Beïda ou encore Benghazi, la deuxième ville du pays.

« Nos équipes étaient présentes partout sur le terrain depuis les premières heures de la catastrophe, mais la situation à Derna reste la plus atroce, a déclaré lundi Tawfik Al-Shukri, porte-parole du Croissant-Rouge libyen, interrogé par Radio France internationale. Il y aurait plus de 2 030 corps retrouvés et plus de 9 800 déclarations de disparitions, selon les chiffres communiqués par le gouvernement. Il y a cinq quartiers à Derna qui ont été complètement submergés par les eaux. (…) Après les inondations des premières heures, ce sont les barrages qui se sont effondrés. (…) Nous avons perdu trois membres du Croissant-Rouge alors qu’ils essayaient de sauver des familles encerclées par l’eau. La situation exige de conjuguer les efforts de tous : des deux gouvernements libyens et des ONG locales et internationales pour que l’on vienne en aide aux personnes touchées et en souffrance, suite à cet événement catastrophique. »

A Derna, un trou béant au milieu de la ville

Après avoir violemment balayé la Grèce, la Turquie et la Bulgarie, tuant au moins 27 personnes sur son passage, le phénomène météorologique, qualifié d’« extrême en termes de quantité d’eau tombée » par les experts, a continué son chemin vers l’Afrique du Nord. Dans la nuit de samedi 9 à dimanche 10 septembre, il a atteint les côtes de l’Est libyen, générant des pluies torrentielles et des vents violents sur une vaste région entre Benghazi et Tobrouk, causant d’importants dégâts humains et matériels.

Les nombreuses images partagées par les internautes libyens permettent d’attester de la violence de la tempête. Dans la région d’El-Beïda, la crue a dépassé par endroits deux mètres, engloutissant les maisons, emportant des voitures en stationnement. Sur une vidéo postée sur les réseaux sociaux, on voit un homme happé par le courant s’éloigner vers l’inconnu pendant qu’un autre lâche des cris désespérés : « Tiens bon, tiens bon ! » A d’autres endroits, l’eau a éventré les routes, rendant impossible le passage des véhicules et compliquant considérablement les opérations de secours. L’accès à l’électricité et aux moyens de communication a aussi été fortement affecté.

Mais c’est bien à Derna que les dégâts semblent les plus considérables. Une vidéo sur les réseaux sociaux montre un trou béant au milieu de la ville, suivant le tracé du cours d’eau descendant de la montagne vers le littoral et des scènes de dévastation à perte de vue. Derna, l’une des premières villes à être tombée aux mains de la rébellion lors de la révolution de 2011 contre le pouvoir de Mouammar Kadhafi, réputée désormais comme un bastion du djihadisme local, avait été le théâtre de plusieurs batailles au cours des années de guerre civile. Elle n’avait cependant jamais connu pareille désolation.

Des estimations encore partielles

Dans cette vaste région montagneuse où les rares infrastructures ont été fortement endommagées et de nombreuses routes coupées, les estimations sur le nombre de morts et de blessés, tout comme sur les dégâts matériels, semblent encore très partielles. Au cours de la journée de lundi, la chaîne de télévision libyenne Al-Hurra a d’abord pu confirmer le décès d’au moins 25 personnes, auprès de sources médicales, sans donner plus de précisions. Un autre bilan donné par le porte-parole du général Khalifa Haftar, le chef de l’exécutif parallèle basé à Benghazi, faisait lui état d’« au moins 150 personnes tuées à cause des inondations provoquées par la tempête Daniel ».

D’autres médias locaux ont fait état de décès dans différentes communes et de dizaines de personnes portées disparues, y compris huit militaires qui tentaient de venir en aide aux sinistrés. Le Croissant-Rouge libyen a quant à lui annoncé qu’un de ses membres, Hussein Buzenouba, était mort « alors qu’il essayait de sortir une famille bloquée ».

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Face à l’ampleur prévisible de la catastrophe, l’Armée nationale libyenne, qui contrôle l’est du pays, a été mobilisée sur instruction du général Khalifa Haftar pour venir en aide aux personnes touchées par le déluge. Une enveloppe de 200 millions de dinars libyens (environ 38 millions d’euros) a par ailleurs été débloquée pour soutenir les nombreuses communes touchées. Lors d’un conseil des ministres extraordinaire, « trois jours de deuil national » ont été décrétés.

Dans l’ouest du pays, la catastrophe a aussi fait réagir. De Tripoli, la capitale, le gouvernement d’union nationale, reconnu par la communauté internationale, a appelé dimanche « toutes les autorités publiques et compétentes » à « prendre des mesures urgentes et exceptionnelles et exploiter toutes leurs capacités pour faire face aux graves dommages causés aux propriétés publiques et privées dans les communes touchées ».

Son ministre de l’intérieur, Imed Trabelsi, a par ailleurs chargé les forces de sécurité, qui n’ont aucune assise dans l’est du pays, de réunir 1 000 personnes issues de différents corps « afin de se déplacer pour soutenir les directions de la sécurité dans la région orientale ». Plusieurs convois de véhicules d’urgence ont ainsi quitté la Tripolitaine, lundi, pour se rendre en Cyrénaïque, aplanissant le temps d’un drame les divisions politiques qui minent habituellement la Libye.

Les Nations unies en Libye ont annoncé suivre « de près la situation d’urgence provoquée par les conditions météorologiques extrêmes dans la région orientale du pays » et se sont dites prêtes « à fournir une aide humanitaire d’urgence pour compléter les efforts nationaux et locaux ». La France a elle aussi présenté ses condoléances par l’intermédiaire de son ambassade à Tripoli, tout comme la Tunisie voisine.

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