Dans la région de Diffa, l’exploitation et la commercialisation du poisson dans le lac Tchad font partie du quotidien des habitants. Cependant, en raison des problèmes sécuritaires que connaît la région, les autorités du Niger ont été contraintes de suspendre cette activité en mars 2015. Autorisé à nouveau en 2019, ce commerce se diversifie et offre une perspective aux jeunes de la région.

Le marché informel de l’écaillage

Alay Bor, dit Tchokoye, est écailleur de poisson. À l’extrémité ouest du petit marché de poisson de Diffa se tient une forme de négoce, lié directement à la vente de poisson : celle des écailleurs.

Dans cette partie du marché, plusieurs jeunes possèdent des petits espaces précaires, sous des petits hangars fabriqués hâtivement. C’est à eux que s’adressent les clients qui veulent faire écailler et découper leurs poissons commandés.

Tchokoye fait partie de ces jeunes. Élancé, traînant un corps chétif, il s’attelle malgré la chaleur à écailler un gros poisson, une machette en main. Voilà plus de deux ans que ce jeune homme âgé de 16 ans a installé son petit hangar dans ce marché, exerçant cette activité qui lui permet de se mettre à l’abri du besoin.

Dieu merci, j’arrive à gagner 4 000 à 5 000 nairas (1 500 à 1 900 francs CFA) [2,30 à 2,90 euros] par jour. Et quand il n’y a pas assez de clients, nous pouvons gagner 1 500 nairas (environ 600 francs CFA) [0,92 euro] par jour. Il y a aussi ceux qui nous appellent lorsqu’ils reçoivent de grosses commandes des autres villes. Nous nous déplaçons partout où l’ont fait appel à nous. Et là, en fonction du travail à effectuer, nous pouvons gagner jusqu’à 20 000 FCFA [30 euros]”, affirme-t-il.

Tchokoye n’est jamais allé à l’école. Originaire du Nigeria, il a rejoint la ville de Diffa depuis sa tendre enfance en compagnie de ses parents. Dans ce marché, il a pris sous son aile plusieurs autres jeunes de son âge, avant que ces derniers ne s’installent aussi à leurs comptes.

Les femmes aussi

Un peu plus loin, à l’ombre bienveillante d’un arbre, plusieurs jeunes filles se partagent une dizaine d’étalages. Elles exposent, par tas, du poisson frit et séché, qu’elles se procurent auprès des grossistes. À la fin de la journée, les 10 % des recettes qu’elles auront réalisées leur reviennent de droit.

L’une de ces jeunes filles, Yagana, âgée de 14 ans, fait partie des 16 400 réfugiés, selon Abdou Chaibou, il est le directeur régional de l’état civil, de la migration et des réfugiés de la région de Diffa. Basée sur le site de Djori Kollo, à 5 kilomètres de la ville de Diffa, elle quitte chaque matin sa famille pour venir dans ce marché, où elle exerce ce métier de revendeuse à la sauvette. Un commerce qui l’aide à subvenir aux besoins de sa famille.

Je suis venue de mon plein gré dans ce marché. Il y a des commerçants chez qui nous prenons du poisson pour revendre ici ou en faisant le tour du marché. Si j’arrive à faire une recette de 10 000 nairas (environ 3 900 francs CFA) [6 euros], 1 000 nairas (environ 300 francs CFA) [0,46 euro] me reviennent de droit. Et ainsi de suite”, décrit-elle, “et par jour je peux gagner jusqu’à 7 000, 8 000 ou même 10 000 nairas. En fait mon rêve c’est de devenir riche et d’effectuer mon pèlerinage à La Mecque”, ajoute-t-elle, toute rêveuse.

Partageant la même rangée que Yagana, sa consœur Atcha Yana, âgée de 17 ans, vient quant à elle d’un autre site de réfugiés. Celui d’Awaridi, situé à 4 kilomètres de la ville de Diffa. Les deux jeunes filles se retrouvent chaque matin dans ce marché, exerçant la même activité, avant de regagner leurs familles respectives. Cette activité est sa seule source de revenu.

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Il y a des jours où j’arrive à me faire 5 000 ou même 6 000 nairas [3 à 3,50 euros]. C’est dans ce commerce que j’arrive à me nourrir, à me vêtir et à ne pas tendre la main. Nous sommes nombreuses à faire ce métier dans ce marché. À part celles qui habitent ici même à Diffa, nous sommes nombreuses à vivre dans les différents sites de réfugiés et villages environnants”, confirme-t-elle.

Une opportunité d’emplois pour les jeunes

Le poisson de Diffa est très prisé, tant dans les autres régions du Niger qu’au Nigeria voisin. Cette forte demande a poussé de nombreux jeunes à se spécialiser dans l’emballage du poisson frais pour les marchés extérieurs.

Mallah, un trentenaire dynamique, gère un petit kiosque où il vend des Thermos et d’autres articles nécessaires à l’emballage, ainsi que de gros blocs de glace pour la conservation. Il propose également ses services pour emballer le poisson à la demande.

Je m’occupe de bien placer les poissons dans ces grandes Thermos, ensuite nous brisons des gros morceaux de glaçons avec lesquels nous recouvrons les poissons avant d’ajouter un peu de sel. Cela peut tenir durant tout le voyage”, précise-t-il.

Le marché de poisson de Diffa, représente une véritable opportunité d’emplois pour les jeunes et même les moins jeunes. Chacun y trouve son compte.

De mars à décembre 2019, la production de poisson à Diffa est estimée à 2 450 tonnes de poisson fumé pour une valeur de près de 5 milliards de FCFA [7,6 millions d’euros], selon une étude menée par la Dr Kiari Fougou Hadiza, chercheuse à l’université de Diffa.