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Au nord-ouest du Bénin, le combat de l’armée contre les groupes terroristes

Le Bénin face à la menace djihadiste (2/2). Le long de la frontière burkinabée, les militaires disposent de plusieurs postes avancés dans le parc de la Pendjari.

Par  (parc de la Pendjari et Porga, Bénin, envoyé spécial)

Publié le 20 septembre 2023 à 20h30, modifié le 21 septembre 2023 à 19h18

Temps de Lecture 5 min.

Des militaires béninois dans le parc de la Pendjari, en août 2023.

Les conditions de l’offensive n’ont pas encore été formellement établies, mais, selon plusieurs sources, des hommes armés s’en sont pris, vendredi 15 septembre à l’aube, à un poste de l’armée béninoise situé aux abords du parc de la Pendjari. Un premier bilan a fait état de deux morts et deux blessés parmi les forces de sécurité. Une attaque – la première autour de la Pendjari depuis quatre mois – qui illustre la menace qui plane sur le nord du Bénin.

Depuis 2021, après plusieurs offensives menées par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, JNIM en arabe), un groupe djihadiste affilié à Al-Qaida au Maghreb islamique, la partie septentrionale du pays, suivant un arc de cercle allant des départements de l’Atacora au Borgou en passant par l’Alibori, est classée en « zone militaire ». Ni les touristes, ni les journalistes ne peuvent s’y rendre. Mais, exceptionnellement, du 23 au 30 août, Le Monde et d’autres médias ont pu suivre les forces armées béninoises de l’opération Mirador.

Déployée pour sécuriser les frontières, elle compte 3 000 soldats. Des militaires qui ne doivent plus seulement, aujourd’hui, protéger leur pays contre les incursions des groupes armés terroristes, mais aussi composer avec la junte qui a pris le pouvoir à Niamey le 26 juillet. Les officiers nigériens accusent le Bénin de se préparer pour participer à une éventuelle offensive militaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) à sa frontière nord-est. De quoi compliquer la riposte face aux mouvements terroristes.

Une menace très présente

Plusieurs postes avancés de l’armée béninoise s’égrène le long de la frontière burkinabée, dont le Lodge Pendjari, situé à l’intérieur du parc. « La bande frontalière avec le Burkina Faso constitue une zone où la menace des groupes armés est très présente, explique le capitaine Dieudonné Salifou, commandant du sous-groupement interarmes de la Pendjari, fermé aux touristes en 2022. Le lodge est occupé en permanence par un détachement. C’est un des secteurs stratégiques de notre action. »

Dans le parc, plus grand écosystème protégé d’Afrique de l’Ouest, les rangers d’African Parks, une ONG sud-africaine assurant la gestion du site depuis 2020, et les militaires béninois patrouillent désormais de jour comme de nuit. C’est dans ce territoire grand comme la Belgique que deux touristes français ont été kidnappés en mai 2019 avant d’être libéré lors d’une opération militaire française au cours de laquelle deux soldats du commando Hubert ont été tués. Fiacre Gbédji, le guide des touristes, a, lui, été assassiné.

Des militaires béninois dans le parc de la Pendjari, en août 2023.

A la fin de l’année 2021, le GSIM, présent sur une bande large d’une vingtaine de kilomètres au-delà du fleuve Pendjari, frontière naturelle entre le Bénin et le Burkina Faso, a multiplié les incursions sur le territoire béninois, cherchant à étendre son influence vers le golfe de Guinée, comme au Togo et en Côte d’Ivoire. Selon les autorités béninoises, une vingtaine d’attaques ont été enregistrées depuis. Elles ont provoqué la mort de 43 civils et 25 militaires.

En hélicoptère, il faut une vingtaine de minutes pour rejoindre le poste avancé d’Arly, à l’extrême nord, depuis le Lodge Pendjari. Le fleuve, que l’on aperçoit à travers les herbes hautes, est à quelques centaines de mètres. C’est ici que, dans la nuit du 2 décembre 2021, une vingtaine d’assaillants venus du Burkina Faso ont traversé le fleuve et ouvert le feu. La façade du bâtiment, qui porte encore les impacts de kalachnikovs et de tirs de mitrailleuses lourdes de 12,7 mm, atteste de la violence des combats.

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Depuis, cette « porte d’entrée » dans la réserve naturelle a été renforcée. Coûte que coûte, il faut désormais conserver cette position même si, au cœur de la brousse, dans une zone infestée de moustiques et de serpents, les conditions sont rudes.

« Comme nous sommes en saison des pluies, les ravitaillements en nourriture et en médicaments ne peuvent se faire que par hélicoptère, explique le colonel Raoufou Assouma, commandant du groupe tactique interarmées du fuseau ouest de l’opération Mirador. Les sentinelles restent ici pendant des semaines, coupées de leur famille. Nous avons creusé des tranchées autour du poste afin de pouvoir circuler s’il y a des tirs. Mais notre mission n’est pas d’attendre que la menace arrive, il faut aller la débusquer et la neutraliser là où elle se trouve. C’est pourquoi nous menons des patrouilles et tendons des embuscades dans toutes les directions à partir d’ici… Il n’y a pas eu d’accrochages récemment, mais notre présence est indispensable afin de ne laisser aucun mètre carré du territoire à l’ennemi. »

Plus à l’ouest, dans la région de Dassari où est survenue l’attaque du 15 septembre, un secteur était aux mains des djihadistes. Les combattants du GSIM ont occupé la « zone neutre », située entre le Bénin et le Burkina Faso, qui se situe à moins de trois kilomètres de la ville béninoise de Porga, dans le département de l’Atacora. Nichée dans un méandre du fleuve, cette poche de 68 km² fait l’objet d’un litige frontalier entre les deux pays.

Progressivement, le GSIM s’est emparé de la zone

En mai 2009, le Bénin et le Burkina Faso se sont tournés vers la Cour internationale de justice (CPI) pour régler leur différend. En attendant le verdict, ils ont signé les accords de Pama pour que le village de Koualou (ainsi appelé côté burkinabé) ou Kourou (côté béninois) soit considéré comme neutre : aucun drapeau ne peut y être érigé et les patrouilles de sécurité doivent être menées de façon conjointe.

Seulement, « pour faire face aux attaques terroristes dans leur pays, les forces de défense du Burkina ont désengagé leurs troupes à proximité de cette frontière, explique le colonel Faïzou Gomina, chef d’Etat-major adjoint de la Garde nationale, commandant de l’opération Mirador. Les terroristes et les trafiquants en ont profité pour l’occuper. La plupart des attaques que nous avons eues sur notre territoire venaient de cette poche. »

Des bandes armées que tout le monde appelle les « bandits » sont également présentes à Kourou-Koualou. « La ville se situe sur un axe important emprunté par le trafic de carburant avec le Nigeria, où l’essence peut être achetée beaucoup moins cher que dans les pays voisins, analyse Global Initiative, une ONG qui travaille sur le crime organisé international, dans un rapport intitulé “Une réserve de ressources - Les groupes armés et les conflits dans les parcs nationaux du Burkina Faso, du Bénin et du Niger”, publié en mai 2023. Des enquêtes menées sur une importante filière de contrebande de carburant ont révélé que le carburant était transporté du Nigeria au Bénin puis stocké dans le village de Koualou. »

Progressivement, le GSIM s’est emparé de la zone. « Ils forçaient les villageois à assister à leurs réunions au cours desquelles ils imposaient leur règle », se souvient Kouagou Moro, cultivateur et chef du village de Kourou-Koualou. En plus de la fermeture de l’école, ils ont interdit l’élevage de porcs, la consommation d’alcool… Dans la nuit du 1er au 2 décembre 2021, le poste militaire de la ville béninoise de Porga a été attaqué : deux militaires ont été tués et une dizaine d’autres blessés.

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Même si le différend frontalier n’est pas réglé, une solution diplomatique a été trouvée. Le 16 février à Ouagadougou, dans le cadre d’une visite officielle, le capitaine Ibrahim Traoré, chef de la junte burkinabée, et Patrice Talon, président du Bénin, ont accepté que le Bénin installe une base à Kourou-Koualou. Quelques jours plus tard, la poche est passée sous le contrôle des forces armées béninoises. Mais les incursions depuis le Burkina Faso n’ont pas cessé pour autant. L’attaque du 15 septembre tend à prouver que la zone reste instable.

« A l’heure où nous parlons, cela va mieux, mais il faut rester prudent », déclarait fin août Pierre Wandja Yani, un habitant. « Depuis que les militaires sont là, les quelques personnes qui avaient fui la zone sont revenues, assurait Kouagou Moro. On a un peu cultivé cette année, mais on ne peut plus s’éloigner trop loin de nos maisons à cause des mines qui ont été posées. Elles ont déjà tué trois fois. J’espère que l’école pourra rouvrir bientôt. »

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